La police peut-elle rouler plus vite que ce qu’elle n’autorise ?
René a dû prendre rapidement une décision. La centrale d’intervention de la police cantonale lui a signalé un accident avec des blessés graves. Il a accepté la mission, s’est assis dans la voiture de police et a démarré. Mais en se rendant sur le lieu de l’accident, René s’est fait flasher par un radar. Robin Road explique ce que la police est autorisée à faire ce qu’elle ne peut pas faire.
La radio de la police annonçait que la victime avait pu être réanimée entre-temps. En parallèle, l’hélicoptère de la Rega avait été mobilisé. La mission de René consistait à bloquer la route en priorité pour permettre à l’hélicoptère d’atterrir sans être dérangé et aux services de secours de transporter la victime à l’hôpital. Il fallait faire vite. Seulement voilà : alors qu’il se rendait sur le lieu de l’accident, René s’est fait flasher pour un excès de vitesse de 43 km/h en agglomération ?
Quand j’étais enfant, je supposais que les transports publics, les camions de pompiers, les ambulances et même les véhicules de police avaient pour ainsi dire toujours carte blanche. C’est peut-être de là que vient la fascination pour ces professions. La police peut-elle verbaliser ses propres agents ?
Pas de « Deux Flics à Miami »
La réponse à la question précédente est un « oui » catégorique. Même les policiers doivent respecter les limitations de vitesse et peuvent être verbalisés, que ce soit en service ou à titre privé. Le fait de porter une arme ne suffit donc pas à autoriser des poursuites effrénées façon « Deux Flics à Miami » (Miami Vice).
Toujours est-il que la loi protège les trajets d’urgence sous certaines conditions. Le conducteur d’une voiture de police n’est pas punissable lors d’un trajet de service urgent, à condition qu’il donne les signaux d’avertissement nécessaires et qu’il observe toute la diligence requise par les circonstances particulières. Cela ne semble pas constituer une obligation trop difficile. Mais certaines situations peuvent s’avérer insidieuses. « Insidieuses » parce que le degré de dili-gence est déterminé par le principe de proportionnalité. Cela signifie que l’intérêt d’une intervention rapide doit être évalué et pesé par rapport au risque de mise en danger d’autrui. Il convient donc de déterminer ce qui est le plus important : l’intervention d’urgence ou la sécurité routière des autres usagers de la route.
C’est au policier ou à la policière que revient cette tâche de peser le pour et le contre dans des délais souvent très brefs et d’adapter sa décision si les circonstances changent. La loi exige les trois conditions suivantes : 1) trajet de service urgent, 2) actionnement des dispositifs d’avertissement spéciaux (c’est-à-dire le gyrophare et la sirène) et 3) observation de toute la diligence requise par les circonstances. Est considéré comme urgent tout acte visant à sauver des vies humaines, à écarter un danger pour la sécurité ou l’ordre public, à protéger des biens matériels importants ou à poursuivre des personnes en fuite – un peu de « Deux Flics à Miami » (Miami Vice) quand même, donc ...
La police se sanctionne elle-même
Mais attention : l’urgence sera interprétée de manière rigoureuse. La situation n’est urgente que si de petites pertes de temps peuvent entraîner une aggravation considérable des dommages. Riccardo Tubbs ou Sonny Crockett ont-ils respecté cette règle à Miami au volant de la légendaire Ferrari Daytona Spider noire (réplique) ou plus tard de la Testarossa blanche (originale) ?
Ceux qui pensent que de tels incidents se terminent toujours à l’avantage du policier se trompent. La procédure se déroule de manière identique à celle d’une infraction « classique ». C’est-à-dire qu’à partir de 15 km/h d’excès de vitesse en agglomération, 20 km/h d’excès de vitesse hors agglomération et 25 km/h d’excès de vitesse sur l’autoroute, le parquet ouvre une procédure pénale et le policier doit expliquer pourquoi il roulait trop vite et se justifier. En plus de la procédure pénale, le Service des automobiles ouvre également une procédure pour un éventuel retrait de permis. Et ce n’est pas tout : selon les cas, le policier peut également être menacé d’une procédure disciplinaire interne par son chef.
René avait activé les dispositifs d’avertissement de son véhicule de service. De plus, il pouvait légitimement penser que son intervention était urgente : tout retard dans la chaîne de transport pour le transfert à l’hôpital aurait pu mettre en danger la vie de la victime. Mais le fait que René ait observé la diligence requise par les circonstances, qu’il ait roulé sur le couloir d’autobus central libre et qu’il ait bénéficié d’une vue dégagée sur le trajet, dans de bonnes conditions de route, de circulation et de visibilité, a également été déterminant. L’excès de vitesse a été considéré comme proportionné. René a agi de manière consciencieuse et désintéressée face à tout un tas de choses qu’il devait accomplir correctement. La procédure contre René a donc été abandonnée pour de bonnes raisons.
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Texte : Robin Road
Photos : Vesa Eskola
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