Sur un nuage Citroën
Quand on pense au confort de conduite, on évoque inévitablement Mercedes ou Rolls-Royce. Il y a 70 ans, ces derniers se sont tournés vers la France, où Citroën a inventé la suspension hydropneumatique.
Le portefeuille de véhicules actuel de Citroën n'est pas vraiment synonyme de confort sur quatre roues. Pourtant, la Citroën 2CV était déjà une zone de confort automobile. Mais il y a 70 ans, les Français ont vraiment lancé une nouveauté : l'hydropneumatique. Au lieu de la combinaison classique ressort-amortisseur, chaque roue est reliée à une bille de ressort par le piston d'un vérin hydraulique. Celle-ci est à son tour remplie d'azote et séparée du liquide hydraulique par une membrane. Effet visuel sympathique : tant que le système hydraulique n'est pas sous pression, aucun débattement n'est disponible. Mais après le démarrage du moteur, la pression augmente et l'ensemble de la carrosserie se soulève à sa hauteur idéale. Oh là là !
Le tapis volant d'Aladin
Le système de suspension hydraulique présenté en 1954 offrait une expérience de conduite confortable qui n'avait pas son pareil. Le tapis volant d'Aladin était peut-être ce qui se rapprochait le plus de cette sensation de conduite. La première voiture de série à bénéficier de la sensation de tapis fut la Citroën Traction Avant 15-Six-H, mais uniquement sur l'essieu arrière. Un an plus tard, les Parisiens de banlieue se sont définitivement lancés dans le ciel automobile avec la DS. En effet, la déesse sur quatre roues, dérivée de la « Déesse » française, amenait l'hydropneumatique aux quatre roues et laissait le public muet d'étonnement. C'est surtout sur les violentes bosses que le châssis a montré son énorme puissance. Dès le jour de la présentation de la DS 19, le 5 octobre 1955, Citroën reçut plus de 12 000 commandes. Au total, plus de 1,4 million de DS ont été produites.
Le sauvetage du président de Gaulle
La DS a cependant connu un autre moment de gloire. Lors d'un attentat contre le président Charles de Gaulle en 1962, celui-ci a pu s'enfuir malgré un pneu crevé. Est-ce que cela aurait été possible sans l'hydropneumatique ? Bien sûr que oui. Malgré tout, la DS est devenue une relique sacrée, ce dont ont profité de nombreuses Citroën ultérieures. Comme par exemple la Citroën SM. Celle-ci combinait l'hydropneumatique avec un moteur Maserati et devint une élégante voiture présidentielle, comme il se doit pour la Grande Nation.
Ceux qui refusaient catégoriquement le mainstream pouvaient même commander la SM avec un moteur Wankel. L'attraction principale restait l'hydropneumatique, même lorsqu'il y a 50 ans, la CX fut lancée pour succéder à la DS. Pour cela, Citroën avait encore retravaillé le châssis. Le CX évoluait ainsi dans une ligue de confort à part. Mais Citroën ne s'était pas contenté de regarder vers le haut. En 1970, la Citroën GS a introduit le châssis hydropneumatique innovant dans la classe moyenne inférieure.
Technologie Hydractive
D'autres véhicules devinrent d'agréables chaises à porteurs. En 1982 suivit la BX, qui se vendit parfaitement avec un total de 2,3 millions d'unités. La version révisée du système hydropneumatique donna naissance à la technologie Hydractive, qui fut produite en série sur la XM en 1989. Elle a permis de rendre le châssis confortable plus réactif grâce à une commande électronique. Les vibrations pouvaient ainsi être amorties de manière encore plus ciblée. Sur la Citroën Xantia 1993, il était également possible d'adapter électroniquement le châssis Hydractive.
Abandon progressif du tapis volant
Dans les années qui suivirent, Citroën tenta d'établir l'héritage de l'hydropneumatique dans la classe de luxe. La C6, présentée en 2005, devait être perçue comme une interprétation moderne de la DS et de la CX. Mais l'enthousiasme des clients ne s'est pas manifesté. La C6 est donc restée une expérience de luxe incomprise. Il s'ensuivit l'abandon progressif du « tapis volant ». En 2017, avec la C5, Citroën a fait ses adieux complets à cette technologie.
Quels étaient les avantages et les inconvénients du système ?
La suspension hydropneumatique de Citroën était certes une véritable merveille de la technique, mais tous les conducteurs ne se sentaient pas à l'aise de flotter sur un nuage. Les jeunes conducteurs, en particulier, trouvaient parfois le « syndrome du coussin spongieux » peu réactif dérangeant, voire peu sûr. Il fallait d'abord mieux comprendre les sensations de conduite ondulantes. En fait, il n'y avait pas de quoi s'inquiéter : la tenue de route restait ferme, même si la carrosserie se balançait comme à l'Oktoberfest.
Un autre point fort curieux : le frein ! Au lieu de la course habituelle de la pédale, où l'on augmente constamment la pression, les modèles Citroën n'ouvraient que brièvement une valve. C'était particulièrement amusant sur la DS et la SM : au lieu d'appuyer sur une pédale, on appuyait sur un bouton en caoutchouc, appelé « champignon de freinage ». Là encore, il fallait apprendre et s'entraîner, car si l'on appuyait trop fort, on se retrouvait collé au volant. Celui qui a aujourd'hui la possibilité de conduire une Citroën devrait donc écouter attentivement le châssis pour ne pas devoir mettre la main au porte-monnaie.
Avec la nouvelle marque premium DS Automobiles, on voulait certes fonder à nouveau un avenir innovant. La nouvelle suspension adaptative de la DS 7 s'appuyait sur l'analyse de la route par caméra pour adapter les amortisseurs avec une grande réactivité. Une solution passable, mais qui était loin d'être aussi innovante que la suspension des presque dix millions de véhicules hydropneumatiques au total.
Texte : GAT
Images : Citroën